Photo : copyright Fabrice Cateloy
Jean-Michel Bayle alias JMB, trois lettres qui résonnent encore dans les mémoires des passionnés de motocross de la fin des années 80. Un pilote français hors norme dont les succès furent tels que son nom figure aujourd’hui au prestigieux Motorcycle Hall of Fame de l’American Motorcyclist Association.
Auréolé de ses titres mondiaux en motocross 125cm3 (1988) et 250cm3 (1989), JMB se fixe le défi ultime de traverser l’Atlantique pour vaincre les pilotes américains de la discipline considérés comme étant les meilleurs au monde. Un an après son arrivée sur les terres de l’oncle SAM, il devient le premier et le seul pilote à remporter les trois titres majeurs la même année (motocross 250 et 500 cm3 ainsi que le super cross).
N’ayant plus de défis à la hauteur de son immense talent, il décide de franchir un nouveau cap en délaissant les pistes en terre au profit du bitume des circuits.
Immortalisant les funambules du Continental Circus sur les pistes du monde entier depuis plusieurs années déjà, l’humble photographe que j’étais, s’était vu confier l’immense honneur par la firme Philipp Morris de suivre la saison du pilote français alors sponsorisé par Chesterfield, une marque du groupe. Ainsi ai-je eu le privilège de suivre JMB lors de sa préparation d’avant saison, que ce soit en bord de piste sur le circuit Paul Ricard ou dans l’un de ses exercices préférés, les escapades en trial dans l’arrière-pays près de Manosque. Une complicité certaine s’étant instaurée entre nous, je conserve un souvenir ému de ces journées particulières et de ce qui allait survenir lors de la première épreuve de la saison.
Ainsi en ce 26 mars 1995, le Grand Prix moto inaugurant la saison se déroule sur le circuit d’Eastern Creek dans la banlieue de Sydney en Australie. Participant du championnat du monde 250 cm3 sur une Aprilia arborant une magnifique couleur noire, les débuts en vitesse moto du « frenchie » sont étroitement suivis par l’ensemble de la presse mondiale.
Comme l’immense majorité de mes confrères photographes, je me positionne en bord de piste dans la première épingle en bout de ligne droite. L’oeil rivé au viseur, je guette le passage de JMB au coeur du peloton, lorsque je l’aperçois et qu’il pénètre dans mon cadre, la situation bascule en une fraction de seconde. Le pilote français perd l’adhérence de la roue arrière, la moto se met brusquement en travers de la piste envoyant son pilote valser dans les airs tel un fétu de paille. L’espace de quelques dixièmes de seconde, JMB semble flotter parallèlement à sa machine la tête en bas alors que la bulle en plexi du carénage explose en touchant le sol. Le moteur de mon appareil crépite, de la perte de contrôle à la fin de la chute, six photos retraceront cette première chute de la saison. Un crash spectaculaire mais fort heureusement sans gravité. Jean-Michel Bayle se relève instantanément, court en bord de piste et saute par dessus les rangées de pneus de protection. Me voyant juste à l’endroit de sa chute il me glisse un petit mot : « J’espère que tu l’as eu celle là ! »
Un doute m’assaille, ai-je déclenché au bon moment, les photos sont-elles nettes, bien cadrées ? De toutes façons nous devons être nombreux à avoir ce cliché pensais-je, j’aurai donc peu de chance de le voir publié. Après le baissé du drapeau à damier, un ami journaliste à Moto Journal me demande si je pense avoir réussi la photo. Je bredouille que oui, mais sans aucune certitude. Dans le doute je lui confie mon film qui sera exploité si la qualité des photos le permet. 4 ou 5 jours plus tard la série complète de photos sera publiée dans le journal puis dans les jours suivants dans un grand nombre de magazines de la presse mondiale.
Une fraction de seconde immortalisée pour l’éternité, un pilote indemne et un photographe heureux… 27 ans plus tard, je conserve toujours l’appareil photo avec lequel ces clichés ont été pris…