Photo : copyright Javier Bauluz - 2000
Symbole de la déshumanisation d’une planète mondialisée, ce cliché réalisé à l’aube du 21ème siècle par Javier Bauluz, reporter photographe espagnol, dénonce et dérange tout à la fois. Il dénonce l’incapacité des dirigeants des pays riches à subvenir aux besoins vitaux des populations les plus pauvres ainsi qu’à résoudre les problèmes migratoires engendrés par ces situations inhumaines.
Le 2 septembre 2000, suite à un appel téléphonique, Javier Bauluz, qui était au sein du centre sportif de Tarifa où se trouvait nombre d’immigrants originaires d’Afrique subsaharienne, se rend sur une plage de Cadix sur laquelle un cadavre se trouverait. De prime à bord rien d’anormal, les enfants jouent sur le sable et les touristes se font bronzer sous le soleil du sud de l’Espagne. A la vue de policiers et journalistes, Javier Bauluz s’avance vers le fond de la plage, près des rochers, et découvre le cadavre d’un homme gisant à quelques mètres seulement d’un jeune couple observant la scène à courte distance, bien protégée des rayons du soleil à l’ombre de son parasol, dans une indifférence qui semble totale. Le reporter fige alors cette scène stupéfiante faisant froid dans le dos, la banalisation de la mort qui ne saurait-être vue pour ne pas déranger notre tranquillité. Une vision de la mort bien réelle et beaucoup plus dérangeante que celle transmise par les médias égrenant le nombre de mort à chaque traversée illégale d’un bateau de migrants. Si au moins cette gêne pouvait-être salutaire et créer l’éveil des consciences…
Cette photo très dérangeante, symbole des inégalités planétaires et d’une forme de désintérêt pour son prochain, son voisin, sera publiée une première fois par le journal espagnol Vanguardia le 1er octobre 2000 avant d’être reprise l’été suivant à la Une du New-York Times, ce qui lui donnera un écho plus important encore. Malgré ces publications, la photo de Javier Bauluz ne connaîtra pas une diffusion très importante parmi les médias mondiaux, peut-être parce qu’elle matérialise la réalité des chiffres en illustrant de façon on ne peut plus concrète la tragédie vécue par les migrants, troublant par là-même nos consciences d’Européens privilégiés, de vacanciers perturbés lorsque nous sommes confrontés à la triste réalité d’une situation dramatique.
Récompensé à de nombreuses reprises, qu’il s’agisse du prix Pulitzer pour ses travaux au Rwanda en 1995 ou par le prix Godo du photojournalisme en 2012, Javier Bauluz a couvert drames et conflits sur tous les continents de la planète. De l’Amérique centrale à l’Afrique, des Balkans au Moyen-Orient, il a témoigné avec verve en collaborant notamment avec de grandes agences de presse, comme Associated Press, Reuters, Vu ou encore Gamma. Ses clichés ont été publiés par les plus grands magazines ou journaux mondiaux, tels que le Times, Stern, Courrier international, Newsweek, Geo…